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Flamme glacée
Le petit chemisier à pois blancs
Lorsqu’elle est entrée,
tous les regards se sont portés sur elle,
la dévisageant avec insistance,
dans l’espoir de pouvoir croiser
l’éclat de des yeux clairs.
Mais elle leur a refusé ses yeux clairs.
Les regards ont alors glissé
le long des courbes de son corps
et s’y sont longuement attardés :
regards inquisiteurs, regards impudiques,
regards hostiles, regards envieux.
Moi, j’étais fasciné par le petit chemisier
rouge à pois blancs qu’elle portait,
chemisier des années soixante,
si anachronique et désuet,
et par son air désabusé et absent.
Elle a lentement descendu l’escalier
avec une grâce féline
sans accorder la moindre attention
à ceux qu’elle croisait sur son passage.
Lorsqu’elle est passé tout près de moi,
j’ai cru sentir les effluves d’un léger parfum
et n’ai pu m’empêcher de frissonner.
Elle a salué les maîtres de la maison,
échangé avec eux quelques mots aimables,
puis, toujours enfermée dans sa solitude,
a gagné la piste de danse.
Là, elle a fermé les yeux, joint les mains au ciel
comme si elle voulait adresser une prière
et esquissé un lent mouvement du ventre
et des hanches qu’elle a peu à peu accentué
pour s’accorder au rythme de la musique.
Le mouvement a gagné le reste de son corps
qui s’est mis à onduler lascivement
puis se tordre d’une manière animale.
J’ai fixé longtemps, comme hypnotisé,
le petit chemisier rouge à pois blancs
qui se mouvait sur la piste de danse,
et ce visage absent dont les pensées
semblaient tournées vers elles-mêmes.
Cette flamme à la fois incandescente
et glacée qui dansait devant moi,
c’était la beauté de la jeunesse,
pleine de promesses et de fierté,
qui se refusait et se préservait,
affichant sa froide indifférence
et son défi à la face du monde.
C’est à ce moment, que Sue,
l’air moqueur,
qui m’avait durant tout ce temps observé,
me lança : « Elle est belle, hein ? »
Oui, elle était belle, très belle…
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