Au pied des tours de Notre-Dame,
Au pied des tours de Notre-Dame,
La Seine coule entre les quais.
Ah ! le gai, le muguet coquet !
Qui n’a pas son petit bouquet ?
Allons, fleurissez-vous, mesdames !
Mais c’était toi que j’évoquais
Sur le parvis de Notre-Dame ;
N’y reviendras-tu donc jamais ?
Voici le joli moi de mai…
Je me souviens du bel été,
Des bateaux-mouches sur le fleuve
Et de nos nuits de la Cité.
Hélas ! qu’il vente, grêle ou pleuve,
Ma peine est toujours toute neuve :
Elle chemine à mon côté…
De ma chambre du Quai aux Fleurs,
Je vois s’en aller, sous leurs bâches,
Les chalands aux vives couleurs
Tandis qu’un petit remorqueur
Halète, tire, peine et crache
En remontant, à contre-coeur,
L’eau saumâtre de ma douleur…
Francis Carco (1896-1958)
Paris en noir et blanc
Jacques Dutronc
Il est cinq heures Paris s’éveille
Je suis le dauphin de la place Dauphine La Tour Eiffel a froid aux pieds
Et la place Blanche a mauvais’mine L’Arc de Triomphe est ranimé
Les camions sont pleins de lait Et l’Obélisque est bien dressé
Les balayeurs sont pleins d’balais Entre la nuit et la journée
Il est cinq heures, Paris s’éveille, Il est cinq heures, Paris s’éveille,
Le café est dans les tasses Les journaux sont imprimés
Les cafés nettoient leurs glaces Les ouvriers sont déprimés
Et sur le boulevard Montparnasse Les gens se lèvent, ils sont brimés
La gare n’est plus qu’une carcasse C’est l’heure ou je vais me coucher
Il est cinq heures, Paris s’éveille, Paris s’éveille Il est cinq heures, Paris se lève
Il est cinq heures, Les banlieusards sont dans les gares. je n’ai pas sommeil
A la Villette, on tranche le lard
Paris by night regagne les cars Jacques Lanzmann (1927-2006)
Les boulangers font des bâtards
Il est cinq heures, Paris s’éveille, Paris s’éveille
La chanson doit beaucoup au flûtiste Roger Bourdin qui, travaillant sur un autre projet dans un studio voisin de celui de l’enregistrement, a improvisé un solo de flûte en une seul prise qui donnera à la chanson dont tous trouvaient jusque là la mélodie un peu plate, l’originalité nécessaire. Les paroles écrites par Jacques Lanzmann et son épouse d’alors Anne Ségalen sont inspirées de la chanson Tableau de Paris à cinq heures du matin écrite en 1802 par le chansonnier Marc-Antoine-Madeleine Désaugier.
Marc-Antoine-Madeleine Désaugiers.
Tableau de Paris
à cinq heures du matin
L’ombre s’évapore, Gentille, accorte, « Adieu donc, mon père ;
Et déjà l’aurore Devant ma porte Adieu donc, mon frère ;
De ses rayons dore Perrette apporte Adieu donc, ma mère.
Les toits d’alentour ; Son lait encor chaud ; — Adieu, mes petits. »
Les lampes pâlissent, Et la portière Les chevaux hennissent,
Les maisons blanchissent, Sous la gouttière Les fouets retentissent,
Les marchés s’emplissent, Pend la volière Les vitres frémissent :
On a vu le jour. De dame Margot. Les voilà partis !
De la Villette, Le joueur avide, Dans chaque rue
Dans sa charrette, La mine livide Plus parcourue,
Suzon brouette Et la bourse vide La foule accrue
Ses fleurs sur le quai, Rentre en fulminant, Grossit tout à coup :
Et de Vincenne Et sur son passage Grands, valetaille,
Gros-Pierre amène L’ivrogne, plus sage, Vieillards, marmaille,
Ses fruits que traîne Cuvant son breuvage, Bourgeois, canaille,
Un âne efflanqué. Ronfle en fredonnant. Abondent partout.
Déjà l’épicière, Tout chez Hortense Ah ! quelle cohue !
Déjà la fruitière, Est en cadence : Ma tête est perdue,
Déjà l’écaillère On chante, danse, Moulue et fendue :
Saute à bas du lit. Joue, et cetera… Où donc me cacher ?
L’ouvrier travaille, Et sur la pierre Jamais mon oreille
L’écrivain rimaille, Un pauvre hère N’eut frayeur pareille…
Le fainéant bâille, La nuit entière Tout Paris s’éveille…
Et le savant lit. Souffrit et pleura. Allons nous coucher.
J’entends Javotte, Le malade sonne,
Portant sa hotte, Afin qu’on lui donne
Crier : Carotte, La drogue qu’ordonne
Panais et chou-fleur ! Son vieux médecin,
Perçant et grêle, Tandis que sa belle
Son cri se mêle Que l’amour appelle,
À la voix frêle Au plaisir fidèle,
Du gai ramoneur. Feint d’aller au bain.
L’huissier carillonne, Quand vers Cythère
Attend, jure et sonne, La solitaire,
Ressonne, et la bonne, Avec mystère,
Qui l’entend trop bien, Dirige ses pas,
Maudissant le traître, La diligence
Du lit de son maître Part pour Mayence,
Prompte à disparaître, Bordeaux, Florence,
Regagne le sien. Ou les Pays-Bas.
Et une autre version de la chanson de Dutronc, cette fois en couleur et dans une interprétation toute personnelle…
Vous ne connaissiez pas An Pierlé ?
Ville
Trams, autos, autobus, Je marche, emporté par la foule,
Un palais en jaune pâli, Vague qui houle,
De beaux souliers vernis, Revient, repart, écume
De grands magasins, tant et plus. Et roule encore, roule.
Des cafés et des restaurants Nul ne sait ce qu’un autre pense
Où s’entassent des gens. Dans l’inhumaine indifférence.
Des casques brillent, blancs On va, on vient, on est muet,
Des agents, encor des agents. On ne sait plus bien qui l’on est
Dans l’immense ville qui bout,
Passage dangereux. Feu rouge, immense soupe au lait.
Feu orangé, feu vert.
Et brusquement, tout bouge. Maurice Carême (1899-1878)
On entend haleter les pierres.
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