Quatre photographies pictorialistes
Auguste Boutique – Retour du troupeau, 1905
Leonard Misonne – Auprès du Moulin, 1905
Otto Scharf – Waldbach, 1902
Otto Scharf – Eifeldorfbrücke, 1908
Quatre photographies pictorialistes
Auguste Boutique – Retour du troupeau, 1905
Leonard Misonne – Auprès du Moulin, 1905
Otto Scharf – Waldbach, 1902
Otto Scharf – Eifeldorfbrücke, 1908
Quand la photographie cherchait à imiter la peinture
Heinrich Kühn – Miss Mary et Lotte sur la crête de la colline, vers 1910
C’est en 1886 que Claude Monet a peint son célèbre tableau « Femme à l’ombrelle« , soit un quart de siècle avant la naissance du pictorialisme. Les pictorialistes, comme Heinrich Kühn souhaitaient élever leur art au niveau de la peinture mais dans un premier temps, ils se sont contenté d’imiter, avec talent pour certains, les grands peintres. Il s’agissait, en travaillant sur le cadrage, l’angle de la prise de vue, la couleur, en recherchant un certain flou et en retouchant les épreuves d’approcher les « effets visuels » spécifiques au dessin, à la gravure ou à la peinture à l’huile. Ce n’est que dans un second temps que la photographie s’affranchira de la copie servile de la peinture et s’attachera à définir un mode d’expression qui lui soit propre.
Heinrich Kühn – Windblow, 1911 – Photogravure sur papier japonais
Heinrich Kühn (1866-1944) randonneurs dans la descente, vers 1914 – autochrome
S’il est un domaine où la photographie peut l’emporter sur la peinture, c’est bien celui de la captation du mouvement. Le plus souvent les peintres impressionnistes se sont attachés à saisir le motif dans sa fugacité et pour cela rendre la variation de couleur ou de lumière des éléments dans les scènes d’extérieurs qu’ils représentaient à l’aide de touches de couleur vibrantes dont le but n’était pas de représenter précisément les phénomènes mais de donner au spectateur « l’impression » sensible de ces phénomènes. La représentation des variations et mouvements élémentaires des éléments de la nature, feuillage, eau, nuages, sous l’action du vent ou de la lumière leur suffisait pleinement et ils n’étaient guère intéressés à la représentation du mouvement des êtres comme avant eux la peinture historique d’essence romantique avait pu le faire. Ce sont les photographes qui ont investi le champ de la représentation du mouvement grâce aux moyens techniques que leur offrait leur art. Il convient de signaler que les photographies ainsi réalisées sont souvent des « divines surprises », la rapidité du mouvement exécuté ne permettant pas au photographe de savoir à l’avance quelle séquence de ce mouvement sera capturé par la prise de vue.
Heinrich Kühn – Im Winde (la brise) , 1915
Heinrich Kühn – sur la pente de la colline
Une jeune femme représentée en pleine nature en robe blanche. Claude Monet a choisi de la représenter assise, figée dans un cadre dans lequel de nombreux éléments mis en valeur par la couleur ou la luminosité annonce le printemps : fleurs de couleur jaune vif au premier plan, taches de lumière en arrière plan. Des reflets de lumière animent la robe. Bien que la jeune femme paraisse immobile, le tableau n’en est pas pour autant statique, il « vibre ». Heinrich Kühn n’a pas choisi de faire poser son modèle ; dans ces conditions de prises de vue, la photo aurait été plate et sans intérêt, il a choisi de la surprendre en pleine action de la cueillette d’une fleur.
Heinrich Kühn (1866-1944) – autoportrait en autochrome, 1907
On peut dire que Heinrich Kühn était né sous une bonne étoile : héritier dès son jeune âge d’une grande fortune, il décide alors d’arrêter ses études de médecine pour se consacrer à ce qu’il aime le plus, la photographie. Il s’inscrit au « Wiener Camera Club » fondé en 1891 où il rencontrera deux autres photographes de talent Hugo Henneberg et Hans Watzek avec qui il fondera le « Trifolium » qui participera au grand mouvement artistique de la Sécession viennoise. Ce mouvement de portée internationale les mettra en contact avec deux associations d’avant-garde, le « Linked Ring » de Londres et le « Photo Club de Paris. » La grande ambition d‘Heinrich Kühn est celle partagée alors par de nombreux photographes de par le monde qui est d’élever la photographie, alors dévaluée dés son apparition comme un simple procédé technique de reproduction, au statut de medium artistique, à l’instar de la peinture. Il faut « dépasser la simple imitation mécanique et stricte de la nature pour ériger la photographie en un art autonome et distinct des Beaux-Arts traditionnels ». Dés lors, les photographes qui se réfèrent à ce courant de pensée vont tenter de rivaliser avec la peinture. Comme disait Kühn, « L’appareil mécanique n’a pas d’autre importance pour le photographe que par exemple le pinceau pour le peintre ». Ce mouvement né à la fin du XIXe siècle va porter un nom en 1886 né du titre d’un article manifeste écrit en Angleterre par le photographe et écrivain Peter Henry Emerson : the pictorial art qui sera repris en France pour sous l’appellation pictorialisme. Heinrich Kühn sera l’un des représentants les plus éminents de ce mouvement pour l’Autriche. Sa spécialité était de rechercher pour ses clichés des effets de flou, de couleur et des angles remarquables de prises de vue en s’inspirant pour cela de certaines œuvres de grands peintres de l’impressionnisme comme Claude Monet et Auguste Renoir. Il a été également très influencés par les photographes d’avant-garde Alfred Stieglitz et Edward Steichen. il expérimentera avec enthousiasme les nouvelles techniques d’impression photographique, particulièrement la gomme bichromate, la platinotypie, la gommogravure, la photypie, le tirage et report à l’huile ou encore les autochromes, premier procédé photographique en couleur inventé par les frères Lumière. (source : Wikipedia et divers)
Quatre représentants éminents du pictorialisme réunis vers 1907 : à gauche le germano-américain Frank Eugene, Alfred Stieglitz, Heinrich Kühn et Edward Steichen examinant une œuvre d´Eugene.
articles de ce blog liés
–––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––
Le monde d’Hier : souvenirs d’une Europe incandescente – Hommage à Stefan Zweig.
Harold Cazneaux (Nouvelle Zélande, Australie 1878-1953) – portrait de Doris Zinkeisen avec fond de feuillage, 1929
Doris Clare Zinkeisen (1898-1991) était une artiste d’origine écossaise connue pour son talent de conceptrice de décors et de costumes de théâtre, de peintre, de graphiste et d’écrivain. Elle avait débuté sa carrière à Londres dans les années 20 , partageant un studio avec sa sœur Anna, artiste comme elle.
Harold Cazneaux (1878-1953) a été un pionnier et un membre éminent de la photographie australienne. Il fut le fondateur en 1916 du cercle pictorialiste australien Sydney caméra et a participé à de nombreuses expositions nationales et internationales.
–––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––
–––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––
–––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––
Ansel Adams – The Tetons and the Snake River, 1942
Ansel Adams – Wilderness, California. Afternoon Thunderstorm, Garnet Lake.
Ansel Adams – Clearing Winter Storm, Yosemite Valley, California, vers 1937
Exprimer la « tragédie du paysage »
En 1834, le sculpteur français David d’Angers visite l’atelier du peintre romantique allemand Caspar David Friedrich. Il découvre à cette occasion le tableau sur lequel le peintre travaille pour répondre à une commande du grand-duc Nicolas, le futur empereur de Russie et qui représente un navire brisé par les glaces. Impressionné par «l’effroyable beauté» qui émane de cette œuvre, le sculpteur français aura un mot célèbre pour définir l’art de Friedrich : « Cet homme a découvert la tragédie du paysage ». Le photographe américain Ansel Adams (1902-1984) a lui aussi mis en scène la tragédie du paysage américain grâce à sa maîtrise de la composition et du cadrage, du choix judicieux du moment de la prise de vue et par la mise au point d’une technique de maîtrise de la profondeur de champ qui lui permettait d’atteindre une précision jusque là inégalée dans la représentation des paysages. Avant lui, les photographes ne recherchaient pas la netteté et la précision de la représentation, leur modèle de référence était la peinture et l’on considérait que la photographie ne pouvait accéder à un statut artistique que si elle simulait celle-ci et que le tirage ressemble à un tableau, c’est ainsi que plutôt que la netteté, on recherchait le « flou » que l’on obtenait par l’utilisation d’optiques spécifiques et par des techniques particulières de tirage pigmentaires. Certains photographes allaient jusqu’à raturer le négatif pour atteindre l’effet recherché. C’est ce que l’on a nommé le mouvement esthétique pictorialiste qui a fortement influencé la photographie entre 1885 et 1918. En 1902, naît à New York le groupe Photo-Secession qui sous la conduite d’Alfred Stieglitz, un ancien pictorialiste, va promouvoir un retour à à la photographie originelle sans altération optique ni maquillage esthétique afin d’exprimer de manière objective le sujet réel. Ansel Adams sera le continuateur talentueux de ce mouvement. Au même titre que les peintres de la première moitié du XIXe siècle comme Cole et Bierstadt qui ont fait découvrir au peuple américain la magnificence et le caractère sublime des grands espaces de l’Ouest de leur pays, Ansel Adams aura participé à la création du mythe du Grand Ouest et aura concouru de manière décisive à la prise de conscience du peuple américain de la nécessité de protéger et préserver cette richesse naturelle.
Ansel Adams – Mount McKinley and Wonder Lake, 1947
Ansel Adams – Mount Williamson and the Sierra Nevada from Manzanar (California), 1944
–––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––
articles liés (cliquer sur les titres pour ouvrir les dossiers)
–––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––
–––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––
––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––
Alfred Stieglitz (1864-1946) et le mouvement de la photo-Secession
Alfred Stieglitz a étudié la photographie en 1883 à Berlin. De ses photographies, on retiendra les très beaux clichés de New York sous la neige ou dans la brume présentées ci-après comme Winter Fifth avenue, The Flat iron (1902) ou Spring showers (1902) sur laquelle un arbre isolé et penché se détache avec précision sur un paysage flou, ou bien encore Horses (1904). De Paul Strand on retiendra le portrait saisissant d’une femme aveugle Blind(1916), de Gertrude Käsebier Spring, ou d’Edward Steichen The Flat iron(1909), une sublime épreuve à la gomme bichromatée bleu-vert qui confère au cliché la charge poétique d’un tableau impressionniste.
James Whistler – Nocturne in gray and gold — Piccadilly 1881
Ce type de photographie s’est fortement inspiré, tout au moins à ses débuts, des tableaux du peintre américain James Abbott McNeill Whistler, lui-même fortement influencé après son séjour anglais par Turner et des œuvres des peintres impressionnistes tels que Monet. A l’époque en fait, «la photographie est encore placée sous la coupe de la peinture et de la sculpture qu’elle s’applique à imiter». Ce mouvement appelé pictorialisme milite en faveur de la photographie artistique. Travaillés, retouchés, rehaussés de couleurs pour améliorer leur rendu, les clichés obtiennent alors un rendu qui estompe la réalité saisie lors du simple déclenchement de l’obturateur.
Mais Alfred Stieglitz finira par se libérer de cette influence et imposera la photographie comme un art à part entière… De cette volonté naîtra l’impressionnante série dédiée à «la ville de l’ambition», The City of ambition. Le célèbre Steerage («L’entrepont», 1907) est une œuvre charnière: cette photo, prise sur le pont d’un transatlantique où des candidats à l’immigration sont entassés, privilégie les cadrages extrêmement architecturés. C’est l’importance du regard qui l’emporte.
La première publication d’Alfred Stieglitz date de 1893 et avait pour nom American Amateur Photographer En 1896, Stieglitz revient au New York Camera Club et transforme son journal en un périodique d’art appelé Camera Work dont l’ambition est de ne publier que des œuvres d’art et non de simples photographie. En 1902, il créé le groupe « Photo-Secession », pour obliger le monde de l’art à reconnaître la photographie « comme un moyen distinct d’expression individuelle ». Le groupe comptera parmi ses membres les photographes Edward Steichen, Gertrude Käsebier, Clarence White et Alvin Langdon Coburn. Dans le premier numéro de camera Work, Stieglitz proclama que :
Only examples of such work as gives evidence of individuality and artistic worth, regardless of school, or contains some exceptional feature of technical merit, or such as exemplifies some treatment worthy of consideration, will find recognition in these pages.
Camera Work aura joué un rôle important pour la reconnaissance des photographes américains et européens d’avant-garde et était connue pour la très grande qualité de ses reproductions. Les images imprimées étaient photogravées à la main à partir des négatifs originaux. Steichen élèvera les héliogravures sur papier Japon au rang de tirages originaux, avec leurs contours veloutés et leurs noirs profonds. Camera Work a également reproduit des travaux d’art moderne comme ceux de Rodin et de Matisse. Il cessa de paraître en 1917.
Edward Steichen (1879-1973)
°°°
Alfred Steiglitz – The Terminal, 1892
Alfred Stieglitz – Winter Fifth Avenue, 1893
Alfred Stieglitz – Reflections – vers 1896
Alvin Langdon Coburn – Fifth Avenue
Alvin Langdon Coburn – NightLight
Mulberry Street by Anonymous, 1900 : une expression réaliste et documentaire de la rue new-yorkaise dégagée de toute intention pictorialiste.
Alfred Stieglitz – Flat iron, 1903
Edouard Steichen – The Flatiron, 1904-1905
Edward J. Steichen – the Flatiron, 1904, printed 1905
Alvin Langdon Coburn – Flatiron, 1912
Alvin Langdon Coburn – Flatiron building
Edward J. Steichen – Trinity Church, 1904
Alfred Stieglitz Photographing on a Bridge by unknown, 1905
De 1902, année où il fonda le groupe Photo-Sécession, jusqu’à 1904, Alfred Stieglitz fut très occupé par la publication de la revue emblématique du groupe, Camera Work, le suivi des contacts avec les photographes étrangers et l’organisation d’expositions à Pittsburgh, Washington DC et à travers toute l’Europe. En 1905, Edward Steichen le persuada que les Sécessionnistes devaient disposer d’un lieu d’exposition permanent à New-York. Un local de trois petites pièces fut trouvé sur la Cinquième avenue et aménagé en lieu d’exposition. Ce local devint un laboratoire où Stieglitz mena les photographes pictorialistes vers le modernisme sous l’influence des nouveautés européennes. A l’occasion de l’inauguration de ce local à la fin de l’année 1905, Steichen créa un poster montrant une silhouette se détachant sur un plan oblique et surmonté d’un cercle doré. La composition d’esprit « fin-de-siècle », montrant un photographe revêtu d’une redingote poursuivi par un clair-de-lune pouvait exprimer l’idée d’une quête vaguement mystique.
De manière surprenante, dans la réalisation de ce cliché, l’inspiration de Steichen n’était ni pastorale ni crépusculaire – elle provenait d’un cliché de Stieglitz armé d’un Graflex sur un pont (faisant aussi partie de la collection Giman), pris juste avant ou après celui présenté ci-dessus. La disjonction entre les connotations romantiques du poster et celles, urbaines, industrielles du cliché reflète la dichotomie de style entre les œuvres réalisées par Steichen de la fin du XIXe siècle et du début du vingtième siècle. Comme dans le poster, le photographe est aussi un utopiste, mais dans un langage moderne. Au milieu des piétons, le héros de l’âge de la machine secoué par les bourrasques de vent apparaît perché sur une poutrelle d’acier dans un effort pour boucher la brèche entre l’art, l’individu et la modernité. En saisissant aussi adroitement une attitude et une activité aussi symbolique, l’auteur inconnu du cliché parvient à exprimer les convictions progressistes de Stieglitz, sa croisade pour l’art moderne et sa conception grandissante d’une photographie vue comme spontanée, exprimant de manière instinctive la vie réelle et libérée de tout besoin d’un camouflage de type pictorialiste. (Traduction libre Enki d’un article du site : The Metropolitan Museum of Art – [Alfred Stieglitz Photographing on a Bridge] )
Alfred Stieglitz – New-York
The Steerage, 1907
°°°
Alvin Langdon Coburn (1882-1966)
Alvin Langdon Coburn – Brooklyn Bridge, 1900
Alvin Langdon Coburn – Williamsburg bridge, 1909
Alfred Stieglitz – untitled (hordes, Winter) – 1910
Alfred Stieglitz – New-York Old New, 1910
Alfred Stieglitz – Two Towers New York, 1913
Paul Strand – Wall Street à New-York – 1915
Paul Strand – City Hall Park, New York, 1915
Paul Strand – New York, Two cars, 1916
Paul Strand – Blind, 1916
Paul Strand avait fait très tôt la connaissance d’Alfred Stieglitz, encore adolescent. A la différence de ses aînés , Il s’intéresse plus aux habitants et à ce qui se passe dans la rue qu’à l’image elle-même. Il mettra ainsi au point un appareil qui lui permettra de prendre des photos à 90° pour saisir des scènes de rue de manière discrète. C’est avec ce procédé qu’il réalise la célèbre photographie de la femme aveugle.
Paul Strand – New-York, 1917
Paul Strand – New-York, 1917
Paul Strand – portrait à Washington Square, 1917
Paul Strand – yawning woman New York, 1917
°°°
––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––
––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––
–––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––
Entre 1904-1905, l’une des plus luxueuses publications de photographies par plaques en France et en Europe était L’Épreuve Photographique. Publié à Paris, il ne se satisfaisait pas d’être identifié comme un simple journal photographique et se présentait comme un « portefeuille périodique de grand luxe ». Durant deux années, de nombreuses photographies primées dans les cercles pictorialistes français et européens ont été sélectionnées et présentées en format surdimensionné (44 x 32 cm), imprimées à la main à la plaque de cuivre (taille-douce ) et héliogravures par l’atelier parisien de Charles Wittmann.
Between 1904-1905, one of the most luxurious subscription photographic plate publications in France or Europe was L’Épreuve Photographique. (The Photographic Print) Published in Paris, and not satisfied with identifying itself as a mere photographic journal, it billed itself as a “monthly portfolio of luxury” instead. (Portfolio périodique de grand luxe) Over the course of two years, prize-winning salon photographs from French and European pictorialist circles were selected for inclusion in this oversized publication (44 x 32 cm) as hand-pulled, copper plate (taille-douce) screen photogravures (héliogravures) from the Paris atelier of Charles Wittmann.
°°°
–––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––
Émile Dacier (1876-1052) était bibliothécaire et historien de l’art français. Il a été secrétaire de rédaction du Bulletin de l’art ancien et moderne (1899-1914) et de la Revue de l’art ancien et moderne (1919-1927) dans laquelle il a publié un grand nombre de chroniques, notes et articles relevant aussi bien de l’art ancien que contemporain, notamment sur la gravure et la photographie. Le texte qui suit est un extrait d’une préface d’un ouvrage consacré à la photographie.
<
p style= »text-align:justify;padding-left:90px; »> « Où es-tu, pauvre petit carré de carton d’autrefois? Tu as perdu cette «finesse» dont tu te montrais si vain, mais tu as gagné cette qualité essentielle de ne pas tout dire et de laisser le spectateur donner libre essor à son imagination.
Où est la gamme invariable de tes tonalités brunes? — Une palette polychrome l’a remplacée : les photographies d’aujourd’hui ne sont plus uniquement des sépias, mais des pastels, des eaux-fortes, des fusains, des sanguines…
Où est ta désolante et monotone impersonnalité ? — Les photographes d’aujourd’hui ont tous leur manière caractérisée : ils sont symbolistes, impressionnistes, luministes, intimistes, photographes de moeurs ou de paysage, de genre ou de portrait…
Où est enfin ta précision sèche, qui n’était pas même de la fidélité parfaite? — Tu méconnaissais l’harmonieux accord des valeurs, et ce sont justement les valeurs qu’on arrive à te faire exprimer…
Voilà ce que tu es devenu, pauvre petit carré de carton d’autrefois!
Lentement, patiemment, avec une inlassable ténacité, avec un désintéressement des plus louables, des amateurs ont travaillé à dégager l’art photographique des routines machinales, comme un précieux minerai de sa gangue. Ce que cette consécration, aujourd’hui définitivement admise, leur a coûté d’efforts, nul ne le saura jamais; et qu’importe, après tout, les centaines d’épreuves gâchées, s’il en reste une seule pour témoigner, chez son auteur, d’un idéal de beauté enfin réalisé?
S’il en reste une seule?… Il en reste plus d’une, heureusement; et je n’en veux pour preuve que les images dont se compose cette publication.
<
p style= »text-align:justify;padding-left:90px; »> Aimez-vous les paysages véridiques et pourtant poétisés? Voici la brume verte des premières feuillées, voici la splendeur des soleils qui dorent les champs; voici la rousse toison des forêts automnales, et la neige, et la glace, parures gemmées de l’hiver; voici les plaines, les monts, les mers, le ruban gris des routes, le ruban moiré des fleuves; voici le mystère des nocturnes et l’étrangeté des contre-jour…
Préférez-vous la chaste nudité des belles formes que caresse la lumière, ou l’innombrable diversité du visage humain? Voici des gestes jolis, des attitudes heureuses, des chevelures qui tombent en nappes ou se replient en coques; voici des yeux qui luisent, des lèvres qui s’entr’ouvrent pour un sourire, qui se pincent pour une moue, qui se tendent pour un baiser…
Est-ce enfin la vie, le mouvement, l’impression brève et fugitive qu’il vous plaît d’évoquer? Voici les souvenirs des contrées lointaines; voici les drames et les comédies de la rue dont le hasard est le grand metteur en scène; voici la poussée des foules, la galopade des escadrons, le choc des flots sur les brisants; voici…
Voici des images ! »
Émile DACIER.
Paysage, 1904 – photographe Edouard Adelot
Retour du troupeau, 1905-Augustin Boutique
Bergère, 1905 – photographe Alex Keighley
Auprès du Moulin, 1905 – Léonard Misonne
La peur du photographe, 1905 – A. Nourrit
Sale Temps, 1904 – photographe Charles Misonne
Retour du Travail, 1904 – photographe Antonin Personnaz
la Meule, 1905 – photographe Antonin Personnaz
°°°
–––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––
–––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––
–––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––
Entre 1904-1905, l’une des plus luxueuses publications de photographies par plaques en France et en Europe était L’Épreuve Photographique. Publié à Paris, elle ne se satisfaisait pas d’être identifiée comme un simple journal photographique et se présentait comme un « portefeuille périodique de grand luxe ». Durant deux années, de nombreuses photographies primées dans les cercles pictorialistes français et européens ont été sélectionnées et présentées en format surdimensionné (44 x 32 cm), imprimées à la main à la plaque de cuivre (taille-douce ) et en héliogravures par l’atelier parisien de Charles Wittmann.
Between 1904-1905, one of the most luxurious subscription photographic plate publications in France or Europe was L’Épreuve Photographique. (The Photographic Print) Published in Paris, and not satisfied with identifying itself as a mere photographic journal, it billed itself as a “monthly portfolio of luxury” instead. (Portfolio périodique de grand luxe) Over the course of two years, prize-winning salon photographs from French and European pictorialist circles were selected for inclusion in this oversized publication (44 x 32 cm) as hand-pulled, copper plate (taille-douce) screen photogravures (héliogravures) from the Paris atelier of Charles Wittmann.
°°°
–––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––
Émile Dacier (1876-1052) était bibliothécaire et historien de l’art français. Il a été secrétaire de rédaction du Bulletin de l’art ancien et moderne (1899-1914) et de la Revue de l’art ancien et moderne (1919-1927) dans laquelle il a publié un grand nombre de chroniques, notes et articles relevant aussi bien de l’art ancien que contemporain, notamment sur la gravure et la photographie. Le texte qui suit est un extrait d’une préface d’un ouvrage consacré à la photographie.
<
p style= »text-align:justify;padding-left:90px; »> « Où es-tu, pauvre petit carré de carton d’autrefois? Tu as perdu cette «finesse» dont tu te montrais si vain, mais tu as gagné cette qualité essentielle de ne pas tout dire et de laisser le spectateur donner libre essor à son imagination.
Où est la gamme invariable de tes tonalités brunes ? — Une palette polychrome l’a remplacée : les photographies d’aujourd’hui ne sont plus uniquement des sépias, mais des pastels, des eaux-fortes, des fusains, des sanguines…
Où est ta désolante et monotone impersonnalité ? — Les photographes d’aujourd’hui ont tous leur manière caractérisée : ils sont symbolistes, impressionnistes, luministes, intimistes, photographes de moeurs ou de paysage, de genre ou de portrait…
Où est enfin ta précision sèche, qui n’était pas même de la fidélité parfaite? — Tu méconnaissais l’harmonieux accord des valeurs, et ce sont justement les valeurs qu’on arrive à te faire exprimer…
Voilà ce que tu es devenu, pauvre petit carré de carton d’autrefois !
Lentement, patiemment, avec une inlassable ténacité, avec un désintéressement des plus louables, des amateurs ont travaillé à dégager l’art photographique des routines machinales, comme un précieux minerai de sa gangue. Ce que cette consécration, aujourd’hui définitivement admise, leur a coûté d’efforts, nul ne le saura jamais; et qu’importe, après tout, les centaines d’épreuves gâchées, s’il en reste une seule pour témoigner, chez son auteur, d’un idéal de beauté enfin réalisé?
S’il en reste une seule?… Il en reste plus d’une, heureusement; et je n’en veux pour preuve que les images dont se compose cette publication.
<
p style= »text-align:justify;padding-left:90px; »> Aimez-vous les paysages véridiques et pourtant poétisés? Voici la brume verte des premières feuillées, voici la splendeur des soleils qui dorent les champs; voici la rousse toison des forêts automnales, et la neige, et la glace, parures gemmées de l’hiver; voici les plaines, les monts, les mers, le ruban gris des routes, le ruban moiré des fleuves; voici le mystère des nocturnes et l’étrangeté des contre-jour…
Préférez-vous la chaste nudité des belles formes que caresse la lumière, ou l’innombrable diversité du visage humain? Voici des gestes jolis, des attitudes heureuses, des chevelures qui tombent en nappes ou se replient en coques; voici des yeux qui luisent, des lèvres qui s’entr’ouvrent pour un sourire, qui se pincent pour une moue, qui se tendent pour un baiser…
Est-ce enfin la vie, le mouvement, l’impression brève et fugitive qu’il vous plaît d’évoquer? Voici les souvenirs des contrées lointaines; voici les drames et les comédies de la rue dont le hasard est le grand metteur en scène; voici la poussée des foules, la galopade des escadrons, le choc des flots sur les brisants; voici…
Voici des images ! »
Émile DACIER.
Auprès du Moulin, 1905 – Léonard Misonne
La peur du photographe, 1905 – A. Nourrit
Bords du Loir, 1905 – photographe Albert Yvon
Brumes du Nord, 1905 – photographe Albert Malle
Crépuscule d’Automne, 1905 – Gustave Marissiaux
Lavandières à Cambo, 1904 – photographe Louis Labat
Bord de Loire, 1904 – photographe Albert Malle
Au Bord du Lac, 1905 – photographe Dr Edward Arning
°°°
–––– Autres sources –––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––
Etang de Corcambon dans le Loiret – photo Maurice Bocquet parue dans l’Illustration
Lac de Come, 1893 – photographe Alfred Stieglitz
Abend am schleissheimer, 1899 – photographe Heinrich Kühn
Rowen, 1898 – photographe Robert Demachy
The Pond Moonlight, 1904 – photographe Edward Steichen
The Pond Moonlight (l’étang au clair de lune) est une photo mythique d’Edward Steichen (1879-1973), elle a été prise en 1904 à Mamaroneck, New York , près de la maison de son ami, le critique d’art Charles Caffin et représente une forêt bordant un étang, avec un morceau de lune apparaissant sur l’horizon entre les arbres. The Pond Moonlight est l’une des premières tentatives de réalisation d’une photo couleur par retouche du tirage, la technique du moment ne permettant pas encore la représentation de la couleur qui ne sera possible que 3 années plus tard avec le procédé autochrome. Il subsiste trois versions connues de The Pond Moonlight. En Février 2006, l’une des versions a été vendue 2,9 millions de dollars, à l’époque, le prix le plus élevé jamais payé pour une photographie en vente aux enchères. Les deux autres versions sont conservées dans des musées.
Vallée de la Toucques, 1906 – photographe Robert Demachy
°°°
–––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––
–––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––
–––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––
auto-portrait de Anne Brigman paru dans le San Francisco Call de 1908
Née à Hawaï, Anne Brigman a déménagé en Californie quand elle avait seize ans. Peintre de formation, elle se tourne vers la photographie en 1902, année où Alfred Stieglitz l’invite à rejoindre le mouvement de la Photo-Secession dont elle sera le seul membre féminin. Ses clichés les plus célèbres ont été pris entre 1900 et 1920 et mettent en scène des nus féminins dans un contexte naturaliste. Anne Brigman s’est souvent représentée elle-même dans ses images. Elle retouchait ses négatifs à la peinture et au fusain pour mieux exprimer l’esprit du sujet qu’elle voulait représenter. Vers 1929, à l’âge de 60 ans, elle déménage à Long Beach en Californie du Sud, où elle poursuit son œuvre de manière plus abstraite et plus introspective en se concentrant sur une série de photographies représentant des érosions de sable formées par le vent ou le surf. Un an avant sa mort à Eagle Rock, près de Los Angeles, en 1950, elle a publié un livre de ses poèmes et de photographies Songs of a Pagan titrés.
Plus récemment, ses photographies ont été considérées comme une déclaration de principes féministes, l’expression d’une aspiration à une sorte de liberté inaccessible. A une époque où le modèle de la femme américaine était la femme modeste, s’occupant de la maison et s’épanouissant dans la maternité, Anne Brigman courait la sierra en pantalon et n’hésitait pas se mettre a nu sur ses photographies.
***
Anne Brigman – Incantation – 1905
.
.
.
.
.
John Martin – le barde (détail) – vers 1817
.
***
Anne Brigman – The-Dryad – 1905
La représentation de nymphes est l’un des thèmes les plus féconds de l’art occidental. Le tableau ci-dessus à gauche représente une « dryade » qui, dans la mythologie grecque, est une nymphe des forêts et des arbres; il a été réalisé en 1877 par l’artiste britannique Evelyn de Morgan qui appartenait au mouvement préraphaélite. Le tableau du centre, « la grotte des tempêtes » (1903), celui de gauche qui représente une « Nymphe pêchant dans un ruisseau » et celui représenté ci-dessous « la nymphe au bain » (1904) ont été peint par le peintre britannique néo-classique Edward Poynter.
Edward Poynter – le bain de la nymphe – 1904
Anne Wigman – The Brook – 1905
Anne Brigman – Thaw – 1906
Anne Brigman – Pool – 1906
Anne Brigman – la Source – 1907
***
Ingres a commencé de peindre son tableau « La source » en 1820 et ne l’a terminé qu’en 1856. Le mode d’expression du tableau s’inspire de la sculpture, la nymphe semblant insérée dans une niche ce qui n’étonne pas lorsque l’on sait que Ingres était alors le chef de file du courant néo-classique. Anne Brigman aurait-elle eu connaissance au moment elle réalisait sa photographie du tableau d’Ingres réalisé un demi-siècle plus tôt ? Il ne faut pas oublier que la photographe a d’abord eu une formation de peintre et qu’elle a été fortement influencée tout au long de sa carrière par le picturialisme même lorsqu’elle faisait partie du mouvement de la Photo-sécession.
***
Anne Brigman – The Bubble – 1909
L’approche d’Anne Brigman à la photographie semble avoir été influencée par un étrange mélange de mythologie païenne, de romantisme européen, et de son expérience passée auprès des indigènes hawaïens. Certains voient dans le tête à tête entre la femme et l’arbre une référence mythologique à Daphné, la nymphe poursuivie par Apollon qui a été sauvée en se transformant en laurier. D’autres artistes avaient photographié avant elle des sujets nus dans des milieux naturels mais ce qui a fait l’originalité de son œuvre, c’est le fait qu’elle semble vivre intensément ses sujets comme faisant partie intégrante de la création. Pour elle, les personnes qu’elle photographiait faisaient partie du monde naturel au même titre que les arbres et les pierres.
«Dans toutes mes années de travail avec l’objectif», a-t-elle écrit, «j’ai rêvé et aimé travailler le corps humain – à l’incarner dans les roches et les arbres, pour qu’ils existent en faisant partie des éléments, et non en dehors d’eux. »
Elle chercha souvent à le faire en présentant ses personnages comme des créatures mythiques ou magiques. Elle a décrit une grande partie de son travail comme « issus des fantasmes qui ont prospéré dans les jours dorés ou de tonnerre qu’elle a vécu durant deux mois dans une partie sauvage de la Sierra où les gnomes et les elfes et les esprits des arbres se révélaient sous certaines incantations mystiques. »
.
.
Paule Emile Chabas – Matinée de septembre – vers 1912
.
***
Anne Brigman – The Lone Pine – 1908
Anne Brigman – Soul of the Blasted Pine – autoportrait pris en 1908
Anne Brigman – Heart of the Storm – 1912
Ange gardien dressé protégeant ou consolant une femme recroquevillée, la tête sur son épaule entourées d’un écrin protecteurs de genévriers tourmentés. Les personnages qui ont portent des masques apparaissent comme des archétypes plutôt que des individus.
Pour parvenir à un sens de l’atmosphère appropriée à la scène, Anne Brigman a modifiée son négatif à la main, en le dessinant et en grattantr le négatif avant l’impression. Elle a ainsi créé un halo au-dessus de la tête de la figure de gauche et créé des lignes dans le but de faire apparaître comme translucide le vêtement de la figure de droite.
***
Anne Brigman – Souls of the weeping rock – 1910
Anne Brigman – The Cleft of the Rock – 1912
Anne Brigman – the water nixie – 1914
Anne Brigman – Storm Tree, 1915
Anne Brigman – La Brise – 1910
Long Beach from Palos Verdes, circa 1915
Anne Brigman – Sanctuary – 1921
Anne Brigman – Figure in Landscape – 1923 – musée Paul Getty
Dans les deux photographies présentées ci-dessus on retrouve le thème chers aux artistes romantiques et en particulier à Caspar Friedrich (le voyageur au-dessus de la mer de nuage) de la vulnérabilité de l’être humain perdu dans l’immensité de la Nature mais à la différence de Caspar Friedrich qui représente l’homme en premier plan au niveau de l’œil de l’observateur, ce qui a pour effet de lui conférer une importance et de lui faire dominer le paysage, Anne Brigman photographie ses personnages en « plongée », à grande distance, ce qui a pour effet de les intégrer et de les fondre dans le paysage. L’homme ne se distingue plus du paysage et de la nature, il en est un des éléments parmi d’autres comme les arbres ou les rochers.
***
––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––
––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––
–––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––
Entre 1904-1905, l’une des plus luxueuses publications de photographies par plaques en France et en Europe était L’Épreuve Photographique. Publié à Paris, il ne se satisfaisait pas d’être identifié comme un simple journal photographique et se présentait comme un « portefeuille périodique de grand luxe ». Durant deux années, de nombreuses photographies primées dans les cercles pictorialistes français et européens ont été sélectionnées et présentées en format surdimensionné (44 x 32 cm), imprimées à la main à la plaque de cuivre (taille-douce ) et héliogravures par l’atelier parisien de Charles Wittmann.
Between 1904-1905, one of the most luxurious subscription photographic plate publications in France or Europe was L’Épreuve Photographique. (The Photographic Print) Published in Paris, and not satisfied with identifying itself as a mere photographic journal, it billed itself as a “monthly portfolio of luxury” instead. (Portfolio périodique de grand luxe) Over the course of two years, prize-winning salon photographs from French and European pictorialist circles were selected for inclusion in this oversized publication (44 x 32 cm) as hand-pulled, copper plate (taille-douce) screen photogravures (héliogravures) from the Paris atelier of Charles Wittmann.
°°°
–––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––
Émile Dacier (1876-1052) était bibliothécaire et historien de l’art français. Il a été secrétaire de rédaction du Bulletin de l’art ancien et moderne (1899-1914) et de la Revue de l’art ancien et moderne (1919-1927) dans laquelle il a publié un grand nombre de chroniques, notes et articles relevant aussi bien de l’art ancien que contemporain, notamment sur la gravure et la photographie. Le texte qui suit est un extrait d’une préface d’un ouvrage consacré à la photographie.
<
p style= »text-align:justify;padding-left:90px; »> « Où es-tu, pauvre petit carré de carton d’autrefois? Tu as perdu cette «finesse» dont tu te montrais si vain, mais tu as gagné cette qualité essentielle de ne pas tout dire et de laisser le spectateur donner libre essor à son imagination.
Où est la gamme invariable de tes tonalités brunes? — Une palette polychrome l’a remplacée : les photographies d’aujourd’hui ne sont plus uniquement des sépias, mais des pastels, des eaux-fortes, des fusains, des sanguines…
Où est ta désolante et monotone impersonnalité ? — Les photographes d’aujourd’hui ont tous leur manière caractérisée : ils sont symbolistes, impressionnistes, luministes, intimistes, photographes de moeurs ou de paysage, de genre ou de portrait…
Où est enfin ta précision sèche, qui n’était pas même de la fidélité parfaite? — Tu méconnaissais l’harmonieux accord des valeurs, et ce sont justement les valeurs qu’on arrive à te faire exprimer…
Voilà ce que tu es devenu, pauvre petit carré de carton d’autrefois!
Lentement, patiemment, avec une inlassable ténacité, avec un désintéressement des plus louables, des amateurs ont travaillé à dégager l’art photographique des routines machinales, comme un précieux minerai de sa gangue. Ce que cette consécration, aujourd’hui définitivement admise, leur a coûté d’efforts, nul ne le saura jamais; et qu’importe, après tout, les centaines d’épreuves gâchées, s’il en reste une seule pour témoigner, chez son auteur, d’un idéal de beauté enfin réalisé?
S’il en reste une seule?… Il en reste plus d’une, heureusement; et je n’en veux pour preuve que les images dont se compose cette publication.
<
p style= »text-align:justify;padding-left:90px; »> Aimez-vous les paysages véridiques et pourtant poétisés? Voici la brume verte des premières feuillées, voici la splendeur des soleils qui dorent les champs; voici la rousse toison des forêts automnales, et la neige, et la glace, parures gemmées de l’hiver; voici les plaines, les monts, les mers, le ruban gris des routes, le ruban moiré des fleuves; voici le mystère des nocturnes et l’étrangeté des contre-jour…
Préférez-vous la chaste nudité des belles formes que caresse la lumière, ou l’innombrable diversité du visage humain? Voici des gestes jolis, des attitudes heureuses, des chevelures qui tombent en nappes ou se replient en coques; voici des yeux qui luisent, des lèvres qui s’entr’ouvrent pour un sourire, qui se pincent pour une moue, qui se tendent pour un baiser…
Est-ce enfin la vie, le mouvement, l’impression brève et fugitive qu’il vous plaît d’évoquer? Voici les souvenirs des contrées lointaines; voici les drames et les comédies de la rue dont le hasard est le grand metteur en scène; voici la poussée des foules, la galopade des escadrons, le choc des flots sur les brisants; voici…
Voici des images ! »
Émile DACIER.
Au Bord du Lac, 1905 – photographe Dr Edward Arning
Dans la montagne, 1905 – photographe Frederick Boissonnas
Avant le salut , 1904 – photographe Léon Bovier
Scène d’Hiver, 1905 – Frederick Boissonnas
Crépuscule, 1904 – photographe Hermann Linck
°°°
–––– Autres sources –––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––
Bords de l’Isère, le soir – photographe Paul de Montal
les Troglodytes – photographe Frederik Boissonnas
°°°
–––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––
–––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––
–––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––
Entre 1904-1905, l’une des plus luxueuses publications de photographies par plaques en France et en Europe était L’Épreuve Photographique. Publié à Paris, il ne se satisfaisait pas d’être identifié comme un simple journal photographique et se présentait comme un « portefeuille périodique de grand luxe ». Durant deux années, de nombreuses photographies primées dans les cercles pictorialistes français et européens ont été sélectionnées et présentées en format surdimensionné (44 x 32 cm), imprimées à la main à la plaque de cuivre (taille-douce ) et héliogravures par l’atelier parisien de Charles Wittmann.
Between 1904-1905, one of the most luxurious subscription photographic plate publications in France or Europe was L’Épreuve Photographique. (The Photographic Print) Published in Paris, and not satisfied with identifying itself as a mere photographic journal, it billed itself as a “monthly portfolio of luxury” instead. (Portfolio périodique de grand luxe) Over the course of two years, prize-winning salon photographs from French and European pictorialist circles were selected for inclusion in this oversized publication (44 x 32 cm) as hand-pulled, copper plate (taille-douce) screen photogravures (héliogravures) from the Paris atelier of Charles Wittmann.
°°°
–––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––
Émile Dacier (1876-1052) était bibliothécaire et historien de l’art français. Il a été secrétaire de rédaction du Bulletin de l’art ancien et moderne (1899-1914) et de la Revue de l’art ancien et moderne (1919-1927) dans laquelle il a publié un grand nombre de chroniques, notes et articles relevant aussi bien de l’art ancien que contemporain, notamment sur la gravure et la photographie. Le texte qui suit est un extrait d’une préface d’un ouvrage consacré à la photographie.
<
p style= »text-align:justify;padding-left:90px; »> « Où es-tu, pauvre petit carré de carton d’autrefois? Tu as perdu cette «finesse» dont tu te montrais si vain, mais tu as gagné cette qualité essentielle de ne pas tout dire et de laisser le spectateur donner libre essor à son imagination.
Où est la gamme invariable de tes tonalités brunes? — Une palette polychrome l’a remplacée : les photographies d’aujourd’hui ne sont plus uniquement des sépias, mais des pastels, des eaux-fortes, des fusains, des sanguines…
Où est ta désolante et monotone impersonnalité ? — Les photographes d’aujourd’hui ont tous leur manière caractérisée : ils sont symbolistes, impressionnistes, luministes, intimistes, photographes de moeurs ou de paysage, de genre ou de portrait…
Où est enfin ta précision sèche, qui n’était pas même de la fidélité parfaite? — Tu méconnaissais l’harmonieux accord des valeurs, et ce sont justement les valeurs qu’on arrive à te faire exprimer…
Voilà ce que tu es devenu, pauvre petit carré de carton d’autrefois!
Lentement, patiemment, avec une inlassable ténacité, avec un désintéressement des plus louables, des amateurs ont travaillé à dégager l’art photographique des routines machinales, comme un précieux minerai de sa gangue. Ce que cette consécration, aujourd’hui définitivement admise, leur a coûté d’efforts, nul ne le saura jamais; et qu’importe, après tout, les centaines d’épreuves gâchées, s’il en reste une seule pour témoigner, chez son auteur, d’un idéal de beauté enfin réalisé?
S’il en reste une seule?… Il en reste plus d’une, heureusement; et je n’en veux pour preuve que les images dont se compose cette publication.
<
p style= »text-align:justify;padding-left:90px; »> Aimez-vous les paysages véridiques et pourtant poétisés? Voici la brume verte des premières feuillées, voici la splendeur des soleils qui dorent les champs; voici la rousse toison des forêts automnales, et la neige, et la glace, parures gemmées de l’hiver; voici les plaines, les monts, les mers, le ruban gris des routes, le ruban moiré des fleuves; voici le mystère des nocturnes et l’étrangeté des contre-jour…
Préférez-vous la chaste nudité des belles formes que caresse la lumière, ou l’innombrable diversité du visage humain? Voici des gestes jolis, des attitudes heureuses, des chevelures qui tombent en nappes ou se replient en coques; voici des yeux qui luisent, des lèvres qui s’entr’ouvrent pour un sourire, qui se pincent pour une moue, qui se tendent pour un baiser…
Est-ce enfin la vie, le mouvement, l’impression brève et fugitive qu’il vous plaît d’évoquer? Voici les souvenirs des contrées lointaines; voici les drames et les comédies de la rue dont le hasard est le grand metteur en scène; voici la poussée des foules, la galopade des escadrons, le choc des flots sur les brisants; voici…
Voici des images ! »
Émile DACIER.
L’Abandonné, 1904 – photographe Charles Job
Nuit Tranquille, 1905 – photographe inconnu
Marine, 1904 – photographe Albert Gilibert
les Pêcheuses, 1904 – photographe Pierre Dubreuil
Sur la Grève, 1905 – photographe Charles Job
Derniers Rayons, 1905 – photographe Albert Gilibert
Marine, 1905 – photographe inconnu
°°°
–––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––
–––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––